Un hommage orchestral généreux pour une série d'exception

La série Avatar : The Last Airbender (Avatar : Le Dernier Maître de l'Air) refait parler d'elle ces derniers jours avec la sortie de la nouvelle adaptation Netflix de la série en live-action. 

Mais ce qui a le plus attiré notre attention en tant que fans de la licence, c'est le ciné-concert de l’œuvre d'origine qui est en tournée mondiale en ce moment. 

Que fallait-il attendre de cette production ? Après tout, l'exploitation de la licence n'a pas toujours été très qualitative, comme si Nickelodeon n'avait pas su quoi faire de cette série d'animation, très originale pour l'époque (2005-2008). Les épisodes ont connu aux États-Unis et en France des diffusions chaotiques, sans grande promotion, et il n'y a eu que très peu de produits dérivés. 

Ce n'est que ces dernières années que Nickelodeon (MTV Networks / Viacom) s'est réveillé en comprenant que cette licence pouvait être une poule aux œufs d'or : une exploitation commerciale sans fin s'est opérée depuis quelques années, Nickelodeon se réveillant enfin, un peu à l'image de Disney exploitant jusqu'à la moelle des licences comme Star Wars, ou Warner avec Harry Potter. Beaucoup d'annonces ont eu lieu, à commencer par la série live-action Netflix, mais également les livres dédiés à l'Avatar Kyoshi, le jeu de rôle Avatar ou encore la création d'un studio d'animation dédiée à la licence Avatar Studios, qui devrait produire plusieurs films. 

La question se pose d'autant plus que l'exploitation musicale se réduisait à peau de chagrin : jusqu'à encore très récemment (17 novembre 2023) avec la sortie de l'album de la saison 1 (à écouter sur Spotify et sur d'autres plateformes), aucune exploitation musicale n'avait été faite des compositions de la série Avatar, et seule la saison 1 de The Legend of Korra était sortie.

Alors, le concert Avatar était-il un produit commercial sans âme ou un vrai hommage faisant la part belle à une œuvre musicale et scénaristique d'exception ?

Les fans présent·es en masse

On pouvait légitimement s'attendre à un public de fans de la licence pour un tel événement, auquel on n'assiste pas par hasard. C'est d'abord pour commémorer ce chef d'œuvre de l'animation que se sont retrouvé·es les fans (pour la plupart de jeunes adultes), mais également pour vibrer à l'écoute de la bande son unique de la série.

Pour fêter l'occasion, certain·es étaient ainsi venu·es cosplayé·es au concert : il était possible de voir des cosplays de Katara et Zuko ou même de Korra et Asami (de la série spin-off The Legend of Korra).

Lors du concert, il y a eu de nombreux signes qui indiquaient qu'on avait affaire à des hardcores fans de la licence : par exemple, le montage vidéo du concert a donné l'occasion de raviver les passions en terme de shipping (le fait de soutenir un couple plutôt qu'un autre dans une œuvre fictive). Les quelques moments câlins et affectueux entre ces personnages ont suscité les passions, les fans applaudissant et criant à l'apparition de l'un ou l'autre des couples à l'image.

Il s'agit là d'une longue et toujours très amicale querelle entre fans d'Avatar : certain·es soutenant le couple Katara/Aang (KatAang) et d'autres soutenant le couple Zuko/Katara (Zutara). L'équipe de production s'en était notamment amusé au San Diego Comic Con de 2008, en diffusant un faux épisode de la saison 4, réalisé à partir de fan-arts de fans de la série : 

Il était courant de voir des fans verser leur petite larme ou même se prenant dans les bras, notamment lors de scènes émouvantes, telles que la scène où Zuko demande pardon à son oncle.

Des invités de marque

Alors que les lumières s'éteignent et que les musiciens accordent leurs instruments, un homme arrive sur scène et prend la parole au micro. 

« Bonsoir, je suis Bryan Konietzko et j'ai créé Avatar : The Last Airbender avec mon ami Michael Dante DiMartino. » 

L'audience exulte : il n'était pas sûr que les réalisateurs fassent le déplacement, et c'est une belle surprise pour les fans de pouvoir rencontrer l'un des co-créateurs de leur série favorite.   

« Avatar parle de choses différentes à des personnes différentes. Pour beaucoup, c’est l’histoire d’un jeune moine qui survit à un génocide et doit accepter son destin, maîtriser les quatre éléments et trouver un moyen de mettre un terme à une guerre sans trahir ses convictions pacifistes. D’autres diront que toute la série tourne autour d’un marchand de choux mécontent. »

L'audience rigole de cette référence au vendeur de choux : un personnage excessivement passionné par ses choux, qui ne cessent d'être malmenés par l'aventure des héros et héroïnes.

« Plus le temps passe, plus je crois qu’avant tout, Avatar parle du pouvoir des amitiés, de la façon dont il peut non seulement changer le monde, mais aussi le guérir. 

Au cours de mon long parcours dans l’univers d’Avatar, mon amitié avec Jeremy s’est renforcée, comme mon admiration pour ses talents musicaux et son dévouement à son art. Et grâce à l’engagement constant de gens comme vous avec Avatar et sa musique, Jeremy et toutes ces personnes talentueuses et tous ces travailleur·euses ont été capables d’organiser cet évènement incroyable. »

« Et en bonus, Jeremy va se produire avec ces merveilleux musiciens, ce soir. Je vous remercie donc tous·tes, et j’espère que vous apprécierez Avatar en concert. »

Les fans ne sauraient être surpris de voir Jérémy Zuckerman jouer de ces instruments, lui qui a collectionné de nombreux instruments pour insuffler des tonalités culturelles différentes et correspondre aux inspirations de la série (la Chine pour la Nation du Feu ou les Inuits pour les Tribus de l'Eau).

Une production aux petits oignons

C'est une production solide et généreuse à laquelle nous avons eu la chance d'assister. Il y a eu un soin tout particulier aux moindres détails pour permettre une expérience unique en son genre. 

D'un point de vue musical, l'orchestre a produit une prestation tout à fait appréciable sans dénaturer le produit d'origine. En définitive, l'orchestration aurait pu être encore plus grandiloquente (avec encore plus d'instrumentistes ou de chœurs), mais elle est restée relativement proche de l'originale pour plaire aux fans en jouant sur la nostalgie. Il y avait deux leads voix (deux chanteur·euses au micro), mais la plupart des chœurs étaient pré-enregistrés. 

De nombreux instruments d'horizons géographiques très variés faisaient partie de l'orchestre, ce qui a fait ressortir les spécificités musicales de la bande son de l’œuvre. 

(Crédit photo : Zdenko Hanout)

La puissance de l'orchestre donnait aussi large place à l'épopée épique contenue dans les musique de la série. Sur ce point, c'est encore Bryan Konietzko qui en a parlé le mieux avant le début du concert :

« Je réalise à quel point ces émotions peuvent être puissantes, interprétées par un orchestre. »

Seules les répliques les plus percutantes et les plus mémorables ont été conservées au mix, pour ne pas surcharger l'écoute. Il s'agit là de l'équilibre parfait dans un ciné-concert, où l'expérience se concentre plus sur la musique et ce qu'elle narre que ce qui est dit.

La lumière et la fumée était parfaitement ajustées et programmées en fonction des extraits diffusés sur l'écran, ce qui participait grandement à l'immersion. Ainsi, la piste “Débloquer les chakras (Unlocking the Chakras)” se reposait énormément sur les différentes couleurs utilisées dans l'épisode (chaque chakras étant associé à une couleur) ; tout comme la piste "Le dernier Agni Kai (The Last Agni Kai)" donnait à voir le dernier combat entre Zuko et Azula, alternant entre le rouge et le bleu, pour représenter la confrontation de leur maîtrise du feu respective.

De la même façon, l'arc de lumière de la salle du Grand Rex changeait de couleur en fonction de la saison : bleu pour le livre 1 (Eau), vert pour le livre 2 (Terre), et rouge pour le livre 3 (Feu).

Il était appréciable de constater que les sources vidéo était celles de de la restauration faite à l'occasion des sorties Blu-ray. En effet, les 5 premiers épisodes ont toujours eu un vilain défaut d'encodage qui dédoublait l'image et les traits sur tous les DVD de la franchise. Heureusement, ce défaut a été corrigé par la suite avec la sortie d'un coffret Blu-ray. 

Le sous-titrage était lui aussi très appréciable, tant sur la qualité de la traduction que pour l'ensemble de la démarche, puisque cela a permis d'inclure les personnes non-anglophones.

En définitive, ce ciné-concert est plus qu'un produit d'appel, il a été une véritable célébration : le soin accordé aux détails (lumières, montage, sélection, orchestre) montre que l'équipe derrière ce concert a souhaité se reposer sur l'intelligence et la passion de son public en mettant en place toutes ces petites attentions que seul·es des fans endurci·es pourraient apprécier à leur juste valeur. 

Une sélection de qualité

Les pistes choisies pour les 2h30 de concert n'étaient pas forcément toutes les plus connues du répertoire, mais elles ont permis de montrer une grande variété de styles et d'émotions, qui donne à voir une vision globale de la série.

Chaque piste était entremêlée de petites pancartes diffusées sur l'écran affichant le titre en français et en anglais : une occasion sympathique pour les fans de vérifier s'iels connaissaient leurs classiques de la licence.

Certaines pancartes ont suscité les passions, telles que “Iroh”, “Toph” ou bien "Zuko rejoint la bande". Rien de surprenant, compte-tenu de la qualité d'écriture et de l'évolution scénaristique de ces personnages.

Les titres des pistes correspondent quasiment aux titres choisis pour l'album de la saison 1 sorti le 17 novembre 2023 (écouter sur Spotify). On peut raisonnablement espérer que les deux autres saisons verront le jour, avec le même niveau de production. Jérémy Zuckerman a en effet toujours souhaité sortir officiellement ces pistes, mais il voulait les retravailler pour ne pas simplement ré-utiliser les pistes telles qu'elles ont été incluses dans les épisodes.

La dernière piste surprise du concert était une version allongée de “Tunnel Secret”, agrémentée de nombreuses scènes d'épisodes fillers que les fans se sont attaché·es à chanter avant de se quitter.

Retrouvez ci-dessous la tracklist complète du concert : 

Le mot de la fin

Ça a été une grande émotion pour moi de voir autant de fans rassemblé·es pour partager leur passion pour cet univers que j'ai promu pendant 15 ans sur Avatar Realms. Cette série n'a pas toujours profité des coups de projecteur de Nickelodeon (diffusions chaotiques et offres légales quasiment inexistantes) et est restée plutôt discrète avant de s'imposer au fil des années : je me réjouis de voir qu'aujourd'hui, cette licence a trouvé son public et qu'Avatar : The Last Airbender est reconnue comme une œuvre majeure de l'animation. 

Avec la sortie des romans sur Kyoshi, les produits dérivés (parfois questionnables), l'adaptation live-action Netflix de la série (elle aussi sujet aux critiques) et les nouvelles productions animées d'Avatar Studios, on ne peut qu'espérer que la licence continue de se renouveler et séduise une nouvelle génération de fans d'Avatar. Yip-yip !